Cinq secondes avant l'extase

Taimu Abanchûru: Zecchô 5-byô mae, de Yôjirô Takita, 1986, Japon


Tokyo, 1986.
Secrètement amoureuse de son chef de service, Etsuko, soir après soir, se résigne aux plaisirs solitaires.
Une nuit d'orage, l'énergie orgasmique qu'elle dégage entre en résonance avec son poste radio et la propulse à travers le temps, quinze années dans le futur.
L'occasion de jeter un coup d'oeil furtif sur son avenir.


A écumer les rayons louches du vidéoclub local, il faut bien se faire à l'idée : les jaquettes, tour à tour bondage ou SM, exhibant femmes en pleurs ou ligotées, ne promettent que guère de réjouissances.
Depuis sa naissance au début des années 70 jusqu'à ses derniers ébats à la fin des années 80, le Roman Porno connait une escalade de violence spectaculaire, jouant avec parfois beaucoup de complaisance sur les névroses les plus extrêmes de son public.
Par chance, existent ça et là quelques exceptions, petites perles d'hédonisme dont on aurait tort de se priver.



Le moins que l'on puisse dire à propos de Cinq secondes avant l'extase, c'est qu'il distille une bonne humeur communicative et ne se montre jamais ni scabreux ni racoleur.
Le postulat abracadabrant du film éveille l'attention et son développement ne déçoit pas.
Comédie érotique de science-fiction, voilà un genre hybride et boiteux. Yojiro Takita parvient à parfaitement équilibrer et mélanger ces trois éléments.



Le film charme par son humour constant, jusque dans les scènes érotiques, par conséquent très ludiques. Un humour léger et insouciant que l'on retrouve souvent dans les productions japonaises des années 80.
L'aspect science-fiction est, à ce propos, l'occasion de nombreux jeux. Takita est suffisamment malin pour ne pas chercher une extrapolation au 1er degré du monde du futur. Il choisit au contraire de lui donner une apparence ultra-kitsch très colorée, un peu vieillote.
Le cadre joue avec les formes géométriques pour recomposer un monde futuriste à partir d'éléments contemporains isolés de leur contexte et utilisés en décalage. Par exemple, le toit d'un immeuble à peine remaquillé devient le Shibuya du futur.
La machine à voyager dans le temps est un assemblage hétéroclite de cabine de bronzage et de gouvernail de bateau, égaillé de quelques guirlandes de noël.
Un casque de coiffure posé sur une télé rétro permet de réinventer le visiophone du futur.

Les possibilités sont infinies. Les décorateurs transforment les limitations budgétaires du film en source de créativité, voilà qui est plutôt malin.



Les séquences érotiques, pour ne rien gâcher, sont plutôt bien tournées et astucieusement intégrées au scénario. Elles ne sont jamais gratuites ni désincarnées et prolongent l'état d'esprit des personnages.
N'importe quel réalisateur mal intentionné aurait soumis sa pulpeuse héroïne à mille culbutes imposées. Tour à tour rêveuse, observatrice ou amante, Etsuko est avant tout un pesonnage humain qui force à l'empathie et pas seulement un corps objet de fantasmes (et ce malgré d'évidents atouts).


L'ensemble forme un divertissement charmant, un ébat insouciant et coloré à consommer sans hésitation.
Le voyeurisme, revers malsain du cinéma érotique, est dédramatisé.
Le réalisateur et les personnages du film vous le diront : il n'y a pas de mal à regarder.


Un extrait du film : l'arrivée dans le Tokyo du futur



PS :
le film sortira en France le 5 mai 2010 dans la collection dvd Roman Porno lancée par l'éditeur Wild Side.
Yojiro Takita, qui en plus de Cinq secondes avant l'extase, a réalisé pas moins d'une trentaine de films érotiques, a gagné en 2009 l'oscar du meilleur film étranger avec Departures.
C'est le signe qu'au Japon les genres ne sont pas cloisonnés et qu'un artiste peut aller et venir entre cinéma populaire et cinéma d'auteur sans être stigmatisé. C'est une très belle liberté.

L'Œil

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire