Valérie au pays des merveilles

Valerie a tyden divu, de Jaromil Jires, 1970, république tchèque


C'est un film lumineux, d'une totale simplicité, et pourtant presque opaque.
Valérie joue parmi les fleurs : un jeune homme lui vole ses boucles d'oreilles puis, le soir venu, les lui offre. Valérie marche dans les champs : trois gouttes de sang viennent tacher une pâquerette.
Valérie rentre chez elle : dans la rue, elle aperçoit un homme au visage effrayant dissimulé derrière un marque de furet.



Valérie va et vient entre l'enfance et le monde des adultes, entre lumière et obscurité.
Mais la force du film est de ne jamais se conforter dans une opposition facile, dans une symbolique déterminée.
Il y a bien cette pâquerette tachée de sang ainsi qu'une multitude d'autres images riches de sens (du vin se répand sur la table, une représentation sculptée du pêché originel abrite une colonie d'abeilles,...). Mais à peine ces images orientent-elles la lecture que déjà les pistes sont brouillées, les limites floues, et on ne sait plus vraiment à qui ou à quoi attribuer telle ou telle signification.
Le film se construit par oppositions et cassures qui s'accumulent, s'enrichissent, se contredisent, entraînent le spectateur dans une spirale sans fond.

Le cadrage, qui découpe les lieux et les extrait de tout espace géographique cohérent, accentue ce mouvement. Puisque chaque lieu est isolé, à la manière d'une succession de toiles dans une galerie de peinture, le montage donne la cohérence à l'ensemble, jouant sur une volonté presque systématique de rupture. C'est sans cesse surprenant : impossible de deviner quand une scène va s'interrompre, ni de quoi sera faite la suivante, quelle tonalité elle aura.



Un univers étrange fait surface, peuplé de vampires livides et de nymphes coquines, tiraillé entre un moralisme dur, sec, hypocrite et un érotisme libéré, insouciant.
Mais jamais le film ne se fait moralisateur et parvient à garder légèreté et équilibre, fusionnant les contraires en un même mouvement :
L'horreur peut être surmontée mais ne meurt jamais vraiment.
L'innocence est brisée mais ses fragments la ressuscitent sans cesse.

Dans Valérie au pays des merveilles, les morts ne le sont jamais définitivement, les vieux semblent jeunes, les mariées sont livides comme des cadavres, la beauté n'est parfois qu'un masque.
C'est un tableau mouvant d'un univers où le bien et le mal sont si étroitement enchevêtrés que laideur et beauté se côtoient, sans que l'un ne semble contredire l'autre.

L'Œil


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